Les droits de l’enfant: pour quoi? pour qui? comment?

De Christine Acheroy

Les enfants sont la pièce centrale du monde de demain. Mais en attendant, n’en sont-ils pas souvent relégués à la périphérie ? Privés de droits parfois fondamentaux ?

Pourtant, la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) reconnait l’enfant comme sujet porteur de droits. Elle offre une perspective innovante, non seulement juridique mais également relationnelle et éducative.

En ce sens, elle nous concerne tous et toutes !

1989, une année pas comme les autres

Pour ceux et celles qui l’ont vécue, 1989 n’a pas été une année quelconque. Mais si l’on pose la question « à quel événement marquant associez-vous cette année ? », la réponse probable sera « la chute du mur de Berlin », « l’effondrement du communisme » … ces grands événements historiques qui ont fait basculer l’Histoire.

La Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE), promulguée cette même année, semble un événement dérisoire à côté d’eux. Néanmoins, certains événements qui semblent insignifiants ont parfois, à long terme, un impact considérable.

A posteriori, ils se révèlent être des points de rupture, de bifurcation dans une trajectoire que l’on pensait immuable. Et si c’était le cas de la CIDE, ce texte, ratifié par 197 États dont la Belgique ?

La CIDE, un texte juridique… mais pas seulement !

C’est un texte juridique. En tant que tel, il vise les États et les grandes institutions qui, en ratifiant le texte, se sont engagés à concrétiser de la meilleure façon possible le contenu des articles dans des politiques et des institutions ad hoc. Mais le réduire à un texte juridique serait selon nous une erreur.

La CIDE est avant tout le fruit d’une mutation anthropologique et philosophique. C’est toute une philosophie, une vision de l’enfant qui se dégage à travers les quarante et un articles de la première partie de la Convention, pris dans leur ensemble.

Or 35 ans après, qui en connait le contenu et les visées ? Qui se sent concerné ?

La CIDE, pour quoi ?

La CIDE s’inscrit dans un continuum de déclarations portant sur les droits de l’enfant. Elle présente néanmoins un point de rupture avec celles-ci en affirmant un changement radical de paradigme : l’enfant n’est pas considéré comme « objet d’éducation » mais reconnu comme « sujet de droits ».

Entendons-nous. « Sujet de droit » ne signifie pas que l’enfant a dorénavant tous les droits, tout comme l’adulte porteur de droits n’a pas tous les droits. La CIDE n’est ni une apologie au laxisme éducatif, ni un plaidoyer pour le conservatisme éducatif. Mais elle ajoute à la vision traditionnelle de l’enfant vulnérable et donc à protéger celle d’un enfant également porteur de capacités.

Les enjeux de la CIDE sont donc énormes car, en reconnaissant l’enfant comme sujet, celle-ci abolit la soumission comme principe éducatif ; une posture qui n’a jamais soutenu la capacité des enfants à devenir des adultes libres et des citoyens responsables.

Ces droits, pris dans leur ensemble, ont ainsi pour finalité de favoriser le meilleur développement de l’enfant, ainsi que son bien-être, c’est-à-dire la satisfaction de ses besoins fondamentaux, physiques, psychiques, mais aussi ses besoins affectifs et sociaux et son besoin de sécurité. Le socle est dès lors bien au niveau des droits.

La CIDE est donc incontournable pour deux raisons. D’une part, parce que, la Belgique l’ayant ratifiée, elle constitue le cadre légal commun pour penser la relation à l’enfant. D’autre part, parce que ce cadre est celui des hommes et des femmes qui rêvent d’un monde meilleur ; plus juste et plus humain. Une visée sans doute plus que jamais d’actualité à l’heure où la guerre sévit à notre porte.

Car l’enfant protégé, mais aussi reconnu et respecté, n’est-il pas la meilleure garantie d’un adulte capable de reconnaitre l’altérité et de la respecter, capable d’écouter et de négocier ; qualités nécessaires pour construire un monde de paix.

La CIDE, un texte pour qui ?

Pour devenir réalité, la CIDE doit donc non seulement s’inscrire dans les institutions par le biais de politiques gouvernementales mais également imprégner la société dans son ensemble. L’application de la CIDE doit s’effectuer à plusieurs niveaux : macro – les structures et les institutions – et micro – les relations interpersonnelles et entre groupes. Ce n’est qu’en combinant ces niveaux qu’une approche globale de la CIDE est possible et qu’elle ne restera pas que des mots.

Les Plans d’actions relatifs aux droits de l’enfant (PADE)

Afin d’améliorer la situation des enfants, les gouvernements de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Wallonie mettent en place des plans d’actions qui couvrent des périodes de quatre ans.

Ces plans tiennent compte des recommandations du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies – l’organisme chargé d’examiner la situation des enfants dans les pays ayant ratifié la Convention et de leur faire des recommandations.

En Wallonie, le Plan le plus récent couvre la période 2020 – 2024 et compte 54 mesures réparties en trois axes : L’axe gouvernance, pilotage des politiques publiques, l’axe communication, information, formation et celui de l’accès aux droits et la lutte contre les inégalités.

Le premier se centre sur des mesures politiques permettant d’améliorer les conditions de vie des enfants, à travers, par exemple, des récoltes de données plus précises sur la situation des enfants, selon leur âge, l’octroi de subventions à des associations qui sensibilisent les enfants aux thématiques du climat et de l’environnement, ou l’organisation de dispositifs participatifs impliquant des enfants.

Le second axe concerne la sensibilisation aux droits de l’enfant dans la société, à travers notamment la mise à disponibilité de brochures ou la programmation de formations à destination de professionnel·les mais aussi d’adolescent·es.

L’axe de l’accès aux droits et de la lutte contre les discriminations inclut par exemple des mesures visant à lutter contre la précarité, le harcèlement ou à favoriser l’inclusion des enfants dans leurs différents lieux de vie – l’école, les lieux de sports ou culturels. Il s’agira, par exemple, d’aménager l’accès d’un espace public à des jeunes en situation de handicap ou de prendre en compte les ressentis et les désirs des jeunes dans l’aménagement d’espaces de loisirs dans leur quartier.

À titre d’exemple, des professionnel·les rencontré·es lors d’une formation ont le projet de créer une école de devoirs pour les enfants de trois écoles de milieu rural. Cette école de devoirs pourrait assurer un meilleur soutien scolaire aux enfants qui en ont besoin. Car les écoles en question offrent actuellement une demi-heure d’étude par jour et de la remédiation une fois par mois, ce qui est très peu et pourrait discriminer certains enfants dans leur parcours scolaire et donc entraver le principe d’égalité des chances.

Dans un autre lieu et contexte, face à des situations d’enfants venant sans repas à l’école – enfants de familles de migrants récemment arrivées en Belgique – des professionnel·les ont pris l’initiative d’informer les écoles de la possibilité de distribution de repas par le CPAS, le temps nécessaire à la prise en charge des familles.

D’autres projets visent à recueillir l’avis des enfants sur des situations qu’ils vivent afin d’en améliorer la qualité et mieux répondre aux besoins des enfants.

Dans une école de devoirs, les travailleurs ont ainsi créé un conseil d’enfants « parce qu’on donne plus la parole aux ados ». Ce conseil a lieu deux ou trois fois par an et permet aux professionnel·les de faire le planning des activités du vendredi en tenant compte des ressentis et souhaits des enfants.

L’avis des enfants mériterait également d’être pris dans le secteur du logement social, selon une professionnelle, car les perceptions de ce qu’est un « bon » logement varient en fonction des personnes et des cultures. Et les enfants n’ont jamais droit à la parole concernant un endroit si intime comme la maison.

Ces quelques exemples montrent la diversité des situations en lien avec l’application de la CIDE et différentes manières dont des professionnel·les concrétisent la CIDE par leur travail de terrain.

La CIDE, un cadre pour les relations interpersonnelles

La mise en place de mesures pour promouvoir la CIDE au niveau gouvernemental est nécessaire si l’on veut faire en sorte que les droits des enfants deviennent une réalité. Elles constituent entre autres le cadre dans lequel les professionnel·les peuvent mettre en place des projets en ce sens. Mais il est tout autant nécessaire que les valeurs de la CIDE puissent constituer le cadre des relations interpersonnelles.

C’est là qu’intervient la responsabilité de chacun·e. Comment peut-on, chacun·e à son niveau, dans son quotidien privé et professionnel, participer à la rendre concrète ?

Car si porter un nouveau regard sur l’enfant peut être assez facile d’un point de vue cognitif, adopter de nouvelles postures et de nouveaux gestes risque de déstabiliser nos habitudes : il n’est pas facile de se débarrasser de gestes et de paroles, d’habitudes que l’on a intégrées durant notre vie dans la manière d’être avec les enfants. Cela demande une prise de recul, un travail, un questionnement.

Une professionnelle d’un CPAS témoigne : « J’ai l’habitude, lors d’entretiens avec les parents, de leur demander à quelle activité extrascolaire inscrire leur enfant, sans consulter l’enfant. Mais je pourrais demander que l’enfant soit présent à l’entretien et l’interroger en premier lieu, et ensuite demander leur avis aux parents ! ».

La CIDE, c’est donc aussi un chemin à prendre.

Date de publication :

15/02/2024

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